Conformément à l’article 1844 du Code civil, « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ». Être associé et disposer du droit de vote en assemblée générale ; l’un ne va pas sans l’autre. L’« irréductible droit de vote de l’associé » (R. Kaddouch) emporte en principe le droit de voter librement.
Toutefois, il est des situations où les associés décident de conclure une « convention de vote » et s’engagent à voter dans un sens déterminé. Dès lors, comment concilier l’aliénation d’un droit et le principe d’ordre public de liberté de vote ? Nous vous proposons de découvrir les modalités de fonctionnement d’une convention de vote.
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Sommaire
La liberté de l’associé confrontée à la convention de vote
La liberté de vote est un principe d’ordre public. En conséquence, il devrait être impossible d’y renoncer. Pourtant, la jurisprudence a reconnu la validité de conventions de vote qui respectent des critères précis.
La liberté de vote comme principe d’ordre public
Le droit de vote fait l’objet d’une protection légale. Le droit pénal s’est saisi de cette question.
La protection légale d’un vote libre
Le droit de vote est un principe d’ordre public (Cass. com., 9 févr. 1999, Château d’Yquem). Par conséquent, un contrat ne peut en principe permettre de renoncer à son droit de vote ou de le limiter. La jurisprudence fonde ce principe sur l’article 1844 du Code civil. Pour autant, aucun texte ne prohibe l’aliénation du droit de vote.
Le risque d’une sanction pénale
Un unique texte porte sur la limitation du droit de vote des associés d’une société. Ainsi est sanctionné « le fait de se faire accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que le fait d’accorder, garantir ou promettre ces avantages » (C. com., art. L. 242-9). Il faut donc rigoureusement veiller à ce qu’une convention de vote ne soit pas conclue contre un avantage.
La validation jurisprudentielle des conventions de vote
La jurisprudence valide les conventions de vote qui sont conformes à l’intérêt social. Une partie de la doctrine plaide pour la validation des conventions qui ne portent pas atteinte à l’intérêt social.
La conformité à l’intérêt social de la convention de vote
L’intérêt social est défini comme l’intérêt propre de la société (personne morale), distinct de l’intérêt de ses dirigeants et de ses associés (personnes physiques et/ou morales). La jurisprudence ne censure pas les conventions de vote qui sont en conformité avec l’intérêt social.
Vers une validation négative : la non-atteinte à l’intérêt social
La doctrine (e.g. Jeantin) encourage la jurisprudence à aller au-delà de la validation des conventions de vote qui sont conformes à l’intérêt social. Elle considère qu’une convention de vote devrait être valide dès lors qu’elle n’est pas contraire à ce dernier. Cette thèse libérale a pour objet de recentrer la nullité de ces clauses aux cas stricts de violation de l’ordre public et de faire prévaloir la liberté contractuelle. La frontière entre ces deux hypothèses est en pratique assez fine.
Les modalités de fonctionnement de la convention de vote
La convention de vote prend le plus souvent la forme d’un pacte d’associés même si d’autres formes sont parfois observées. Les sanctions de la violation d’une telle convention sont limitées par le régime des contrats.
L’insertion de la convention de vote dans un pacte d’associé
Nombreux sont les entrepreneurs qui concluent des pactes d’associés comportant des conventions de vote. La forme du pacte extra-statutaire est propice à un tel accord. Quel est le contenu de cette clause ? Explications.
La forme du pacte
Un pacte d’associés est une convention conclue entre les associés d’une société. Ce contrat complète les statuts sociaux mais n’a pas pour objet de s’y substituer. L’avantage principal du pacte extra-statutaire est sa confidentialité. Ainsi, la convention de vote n’a pas à être révélée ; le secret des relations d’affaires est assuré.
Le contenu de la clause de convention de vote
Le contenu des conventions de vote est libre. La seule contrainte est la conformité à l’intérêt social (v. supra). La clause la plus commune est celle qui engage les associés à voter dans le sens souhaité par le ou les dirigeants de la société.
Sanction de la violation de la convention de vote
La violation d’une convention de vote n’emporte pas les sanctions qui pourraient être attendues du justiciable. D’une part, si l’exécution forcée d’un tel contrat est très rarement accordée, des dommages et intérêts sont parfois octroyés. D’autre part, les délibérations votées en violation de la convention de vote ne peuvent pas être annulées.
Le principe d’absence d’exécution forcée de la convention de vote
Les juges s’opposent en principe à l’exécution forcée de la convention de vote. Le tribunal de commerce de Paris reconnait la licéité de la convention, mais « il n’en reste pas moins que le droit de vote d’un associé est un droit fondamental et qu’il est d’ordre public ; qu’un principe, incontournable, est que ce droit de vote doit être exercé librement lors de l’assemblée par l’associé qui doit conserver sa liberté jusqu’au bout » (TC Paris, ordonnance du 12 février 1991). Dans des cas d’espèce, les juges du fond ont permis l’exécution forcée d’une promesse de vote dans l’hypothèse particulière d’une augmentation de capital (Paris, 30 juin 1995, Société Métaleurop).
L’éventuel octroi de dommages et intérêts
Le pacte d’associés est un contrat classique. Violer ce contrat revient à réaliser une faute contractuelle. Celui qui a subi un préjudice peut demander le paiement de dommages et intérêts pour réparer son dommage. Il doit prouver le lien de causalité entre la faute et son dommage qu’il doit chiffrer ; une telle entreprise est parfois complexe selon le cas d’espèce.
Validité de la délibération prise en violation de la convention de vote
La règle « pas de nullité sans texte » s’applique en droit des sociétés. Aussi, une convention à laquelle la société n’est pas partie ne lui est pas opposable, conformément au principe de l’effet relatif des contrats. Donc, la délibération prise en violation du pacte est valide.
Dès lors, vous comprenez dans quelles mesures peut être conclue une convention de vote et quelles sont les limites à son application.
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